Les coûts commerçant liés à l’acceptation des paiements de proximité

Dans cet article, nous allons analyser les coûts commerçant associés à la mise en place et à l’acceptation des cartes pour les paiements de proximité. Le commerçant se met en relation avec son banquier pour la mise en place du système d’encaissement par carte. Les commissions et frais à sa charge sont multiples. Dans un premier temps, nous détaillerons la commission commerçant qui est l’élément majeur des coûts dont il doit s’acquitter. Ensuite, nous listerons les autres frais associés à l’acceptation des cartes.

La commission commerçant

C’est la commission payée par le commerçant sur le montant des transactions à sa banque, la banque acquéreur. Elle se compose de trois éléments :

  1. La commission d’interchange ou commission interbancaire de paiement (qui varie selon que la transaction est nationale ou internationale)
  2. Le Taux Bilatéral des Transactions Bloquées (TBTB)
  3. La commission de la banque : la partie de la commission qui revient à la banque du commerçant.

Le schéma suivant illustre comment se décompose la commission commerçant.

1. La commission d’interchange ou Commission Interbancaire de Paiement (CIP)

La commission d’interchange est la commission reversée par la banque acquéreur à la banque du porteur. Elle est aussi appelée CIP (Commission Interbancaire de Paiement). L’émetteur réalise des prestations pour la banque acquéreur afin que cette dernière  puisse encaisser les fonds (et donc les commissions associées) pour son client, le commerçant. C’est la principale raison pour laquelle l’acquéreur lui verse la CIP.

La commission d’interchange est fixée au niveau de chaque réseau de cartes et différente entre une transaction nationale et une transaction internationale. Elle est plus élevée pour une transaction internationale qui peut parfois nécessiter une opération de change.

En France, le montant de la Commission Interbancaire de Paiement se calcule ainsi :

Pour les transactions avec un montant strictement supérieur à 15 €,
CIP = 0,047 € + 0,18% * Montant de la transaction

Pour les transactions avec un montant inférieur ou égal à 15 €,
CIP = 0,0235 € +0,20% * Montant de la transaction

La formule appliquée sur les transactions de paiement d’un montant inférieur ou égal à 15 euros est valable depuis le 1er avril 2014.

Remarque : Jusqu’en 2011, CIP = 0,11 € + 0,21% * Montant de la transaction. Ce sont les évolutions règlementaires liées notamment au projet SEPA qui ont contribué à la baisse des commissions.

Maintenant décomposons la CIP pour mieux comprendre ce qui se cache derrière cette somme.

  • 0,047 € représente le coût estimé du traitement d’une transaction par l’émetteur. C’est un montant fixe puisque le coût du traitement d’une transaction ne varie pas avec son montant. Le montant d’une transaction peut être élevé ou non, le coût de son traitement sera le même.

  • 0,18% * Montant de la transaction représente le coût associé à la mise en œuvre des mesures de sécurité dans tout le réseau. C’est une contribution pour l’implémentation et la maintenance des systèmes pour la sécurité et la lutte contre la fraude.

Pour une transaction internationale, CIP = 0,06 € + 1,16% * Montant de la transaction.

Le tableau ci-dessous présente la CIP calculée au niveau domestique et internationale et ce que cela représente en pourcentage par rapport au montant de la transaction. On observe sans surprise que la CIP est plus élevée à l’international. Le pourcentage de la CIP baisse quand le montant de la transaction augmente. Sachant que le montant moyen d’une transaction par carte se situe autour de 50 €, les banques émetteurs perçoivent une CIP d’environ 0,27% au niveau domestique.

Montant de la transaction

CIP Domestique

% Montant (Domestique)

CIP Internationale

% Montant (International)

1

0,05

4,88%

0,07

7,12%

5

0,06

1,12%

0,12

2,32%

10

0,07

0,65%

0,17

1,72%

20

0,08

0,42%

0,28

1,42%

50

0,14

0,27%

0,62

1,24%

100

0,23

0,23%

1,18

1,18%

200

0,41

0,20%

2,30

1,15%

 

2. Le Taux Bilatéral des Transactions Bloquées

En même temps que la CIP, la banque acquéreur reverse à l’émetteur un pourcentage du montant de la transaction appelé le Taux Bilatéral des Transactions Bloquées (TBTB). Le TBTB a remplacé le TICO (Taux Interbancaire des Cartes en Opposition). Mais les modalités de calcul du TBTB diffèrent du TICO, en particulier au niveau de la définition d’une transaction frauduleuse.

Ce taux est le rapport entre le montant des Transactions Frauduleuses et le montant total des transactions réalisées sur le réseau. Il représente le risque de fraude sur une période donnée et est calculé à postériori. En théorie, c’est parce que l’émetteur perçoit le TBTB * Montant sur chaque transaction, qu’il peut garantir que l’acquéreur et donc le commerçant sera payé. Puisque les banques refacturent le TBTB aux commerçants, on peut dire qu’en définitive, ce taux permet de répercuter la fraude sur le commerçant. Rappelons qu’en cas de fraude, c’est l’émetteur de la carte qui supporte les conséquences et rembourse le montant de l’impayé au porteur.

Le TBTB  est calculé de manière statistique en fonction des données du dernier trimestre. Pendant le trimestre, le montant à payer est calculé sur la base du taux déterminé au début du trimestre. A la fin du trimestre, une régularisation est effectuée entre ce qui a été versé et le montant réel de la CIP. C’est le reliquat à payer par l’acquéreur si le taux estimé au début du trimestre était faible ou à rembourser par l’émetteur si le taux estimé était élevé par rapport au calcul du début de trimestre.

Dans la réalité, le montant perçu par l’émetteur =  TBTB (GCE, GCA) * Montant de la transaction. GCE est le Groupe CIP de l’Emetteur, GCA est le Groupe CIP de l’Acquéreur. Les banques d’un même Groupe CIP font partie du même Groupe bancaire (Exemple : Toutes les caisses régionales du Groupe Crédit Agricole). Elles ne se versent ni la CIP, ni le TBTB entre elles.

Dans la pratique, le TBTB s’élève à env. 0,04%.

Note Bien : Dans la littérature sur la monétique, le TBTB est parfois présenté comme faisant partie intégrante de la Commission Interbancaire de Paiement. La formule est donc : CIP = 0,047€ + 0,18% * (montant de la transaction) + TBTB. Cela se défend bien puisque le TBTB comme la première partie de la somme est versé par l’acquéreur à l’émetteur. C’est ce dernier point qui importe vraiment pour faire des calculs exacts de ce que les banques se doivent mutuellement.

 

3. La commission perçue par la banque acquéreur

C’est la partie de la commission commerçant que conserve la banque. Dans la pratique, on observe que cette partie est assez élevée pour le petit et moyen commerce, mais quasi nulle pour le gros commerce qui ne s’acquitte que de la CIP et du TBTB qui tous les deux constituent le prix plancher de négociation pour l’acquéreur. Pour le gros commerce (chaînes de magasins), l’acquéreur se contente donc de refacturer le prix plancher au commerçant. Cela indique d’une part que le contrat monétique n’est pas déterminant dans cette relation commerciale et d’autre part que les sources de revenus de la banque doivent être ailleurs.

Le taux de commission appliqué pour le petit et moyen commerce varie générallement entre 0,5 et 0,8 %. Certains petits commerçants paient jusqu’à 2% par transaction. Ce qui est considérable. La confédération des buralistes de France a quant à elle négocié avec le monde bancaire pour obtenir un taux de 0,35%. Mais les buralistes ont parfois du mal à le faire accepter à certaines banques.

 

Les autres frais payés par le commerçant

En plus de la commission commerçant, ce dernier doit supporter d’autres frais que sont :

  • Le coût du terminal : C’est au commerçant de s’équiper avec un terminal de paiement électronique (TPE). Très souvent, la banque propose de lui vendre ou de lui louer un TPE. Mais il n’est pas obligé de le prendre auprès de sa banque. Il peut s’en procurer auprès des industriels agréés. Il existe différents types de TPE, du TPE fixe au TPE portable GPRS, qui disposent de fonctions plus ou moins sophistiquées. Il faut compter entre 200 et 600 euros.

  • Les abonnements pour bénéficier de certains services (exemple Flash 3CB : solution de paiement fractionné pour les paiements en 3 ou 4 fois sans frais).

  • La tenue de compte (dont la commission de mouvement)

  • Autres frais en cas de non respect de certaines clauses du contrat (Télécollecte hors délai par exemple)

  • Etc.

Accepter les paiement par carte est nécessaire pour ne pas perdre certains clients, mais cela entraine des coûts qui sont loin d’être négligeables, particulièrement pour les petits commerçants. Le montant de la commission interbancaire de paiement a baissé considérablement à cause des pressions règlementaires, mais c’est surtout le gros commerce qui en a bénéficié. Le petit et moyen commerce paie des commissions et frais qui sont sensiblement plus élevés.

Dans le prochain article, nous parlerons des coûts supportés par le porteur.

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6 Responses to Les coûts commerçant liés à l’acceptation des paiements de proximité

  1. JB 13 janvier 2016 at 1 h 16 min #

    Bonjour,

    C’est très clair. Mais du coup comment se rémunèrent les réseaux VISA/Mastercard. L’emetteur et l’acquereur leur paient des fees par transaction en plus de celles que vous mentionnez ?

  2. Quentin 20 mars 2016 at 11 h 27 min #

    Bonjour,

    Merci pour cet article très intéressant. Lorsque vous dites « les sources de revenus de la banque doivent être ailleurs » concernant les chaines de magasins par ex., pouvez vous préciser?

    Je me pose également la question suivante : quel intérêt pour une banque d’obtenir les marchés avec les grands groupes détaillants puisque les commissions perçues par la banque acquéreur vont essentiellement etre reversées au porteur?

    Merci d’avance pour votre réponse!

    • Clpaiements 5 mai 2016 at 21 h 20 min #

      Bonjour,

      Désolé de n’avoir pas répondu avant. J’étais absorbé par un autre projet.
      Revenons à vos questions. Comment les banques gagnent de l’argent sur les chaines de magazin?
      Les besoins de ces dernières en termes de services bancaires sont quasi illimités.
      Je vais citer quelques sources de revenus.
      – Commissions de tenue de compte
      – Commissions sur les services liés à la banque électronique
      – Commissions d’opérations de paiements, d’encaissements, de relevés, Effets de commerce, etc.
      – ainsi de suite. Télécharger la grille tarifaire entreprises d’une banque.

      Pour la deuxième question, ce sont les flux (les mouvements d’argent de comptes à comptes) qui intéressent une banque. Plus il y a des flux plus elle peut gagner de l’argent que ce soit sur les grands groupes ou sur ses propres clients.

  3. jocelyne 21 juin 2016 at 16 h 13 min #

    Depuis le début de l’année les frais de télécollecte et de demande d’autorisation de mon TPE ont explosé ils sont passés de 0,11e TTC à 0,48TTc soit une augmentation de 340% j’aimerai savoir qui à décidé cette augmentation
    Merci pour votre réponse

  4. Jean-Marie Chevalier 6 mai 2019 at 23 h 58 min #

    Bonjour,

    Toutes ces informations sont obsolètes depuis le REI 2015 appliqué début décembre 2015.
    Les réseaux VISA et MasterCard se rémunérent en complément via de nombreuses facturations vers les banques acquéreur (du commerçant) et émettrice (du porteur de carte), qui sont des éléments de coûts à intégrer, en particulier pour la banque dans les commissions commerçants car ce sont des charges complémentaires aux interchanges (ancienne CIP) reversés aux banques émettrices sur chaque transaction encaissée par le commerçant.

    Expert du domaine monétique acquéreur
    Jean-Marie Chevalier

    • Clpaiements 5 juin 2019 at 23 h 12 min #

      Merci cher Monsieur pour votre contribution que nous apprécions beaucoup. Nous planifierons la mise à jour de cet article dès que possible.

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